Guillaume Apollinaire, 1880-1918 Cimetière du Père Lachaise, Division 86
Son vrai nom : Wilhelm Albert Włodzimierz Apolinary de Wąż-Kostrowicki
Jean Raymond, La poétique du désir « Apollinaire », Appendice sur deux romans d’Apollinaire
« Oui, on tue, on viole, on éventre dans ce livre. Et le poète du Pont Mirabeau est à l’aise dans ce genre d’ébats. Cependant, le trait le plus original de son érotisme »littéraire » est peut-être dans un certain don d’écriture qui le pousse à une extrême précision descriptive dans l’évocation des détails sexuel [...]. Ce pouvoir d’exhibition de l’écriture, il en use sans retenue et parfois avec une insistance qui prend curieusement la forme d’une obsession – s’agissant notamment des seins, des fesses, des cuisses et des croupes – du »gros » et du surabondant. Tout Apollinaire est là si on le connaît un peu, avec sa truculence, sa démesure, son rire, ses fantasmes et son énorme »obscénité » caractérielle ».
Un article de la Quinzaine Littéraire
« Les Onze mille verges. D’abord le langage y a une étrange puissance « quantitative» et générative. Le titre nous en avertit : vierges ou verges, emblèmes de coït ou de flagellation, les mots sont porteurs d’une pluralité de sens, d’une infinité d’images, et Apollinaire ne se prive pas d’en jouer. Ensuite, il ne se prive pas non plus de mettre dans ce livre tout ce qui peuple et hante sa mythologie personnelle. »
« la notice du catalogue clandestin de 1907 ne mentait pas, qui disait : « Les scènes de pédérastie, de saphisme, de nécrophilie, de scatomanie, de bestialité se mêlent ici de la façon la plus harmonieuse »
Contrastes :
« Et ‘comme on passait sur un pont, le prince se mit à la portière pour contempler le panorama romantique du Rhin qui déployait ses splendeurs verdoyantes et se déroulait en larges méandres jusqu’à l’horizon. Il était quatre heure du matin, des vaches paissaient dans les prés, des enfants dansaient déjà sous les tilleuls germaniques. Une musique de fifres, monotone et mortuaire, annonçait la présence d’un régiment prussien et la mélopée se mêlait tristement au bruit de ferraille du pont et à l’accompagnement sourd du train en marche. .Des villages heureux animaient les rives dominées par les burgs centenaires et les vignes rhénanes étalaient à l’infini leûr mosaïque régulière et précieuse ».
Etrange pause. Etrange romantisme. Mais, cette fois encore, Apollinaire est là tout entier, avec la.pOésie des Colchiques. Et, pour qui sait lire, sa « thématique » la plus pero sonnelle se découvre à chaque ligne des Onze mille verges. Ses mythes intimes y coexistent pacifiquement avec ses plus atroces fantasmes. Ce n’est pas un des moindres paradoxes de ce livre aussi monstrueusement que tendrement érotique. »
Quelques extraits de poèmes érotiques
…
Femme ô vagin inépuisable
Dont le souvenir fait bander
Tes nichons distribuent la manne
Tes cuisses quelle volupté
même tes menstrues sanglantes
Sont une liqueur violente
…
Poème secret
Voilà de quoi est fait le chant symphonique de l’amour
qui bruit dans la conque de Vénus
Il y a le chant de l’amour de jadis
Le bruit des baisers éperdus des amants illustres
Les cris d’amour des mortelles violées par les dieux
Les virilités des héros fabuleux érigées
comme des cierges vont et viennent comme une rumeur obscène
Il y a aussi les cris de folie des bacchantes folles d’amour
pour avoir mangé l’hippomane sécrété par la vulve des juments en chaleur
Les cris d’amour des félins dans les jongles
La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales
Le fracas des marées
Le tonnerre des artilleries
où la forme obscène des canons accomplit le terrible amour des peuples
Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté
Et le chant victorieux
que les premiers rayons de soleil faisaient chanter à Memnon l’immobile
Il y a le cri des Sabines au moment de l’enlèvement
Le chant nuptial de la Sulamite
Je suis belle mais noire
Et le hurlement précieux de Jason
Quand il trouva la toison
Et le mortel chant du cygne
quand son duvet se pressait entre les cuisses bleuâtres de Léda
Il y a le chant de tout l’amour du monde
Il y a entre tes cuisses adorées Madeleine
La rumeur de tout l’amour
comme le chant sacré de la mer bruit tout entier dans le coquillage
O ma tendre putain
Tes mains introduiront mon beau membre asinin
Dans le sacré bordel ouvert entre tes cuisses
Et je veux l’avouer en dépit d’Avinain
Que me fait ton amour pourvu que tu jouisses
Ma bouche à tes seins blancs comme des petits suisses
Fera l’honneur abject des suçons sans venin
De ma mentule mâle en ton con féminin
Le sperme tombera comme l’or dans les sluices
O ma tendre putain tes fesses ont vaincu
De tous les fruits pulpeux le savoureux mystère
L’humble rotondité sans sexe de la terre
La lune chaque mois si vaine de son cul
Et de tes yeux jaillit quand tu les voiles
Cette obscure clarté qui tombe des étoiles.
Il me souvient…
Ma queue éclatait sous tes lèvres
Comme une prune de Juillet
La plume au vent qu’on taille en rêve
N’est pas plus folle je le sais
Que la volage aux amours brèves
Il me souvient de Félicie
Que je connu le jour de Pâques
Et dont la moniche roussie
S’ouvrait en coquille Saint-Jacques
De septembre à la fin Avril
Il me souvient de la dona
Qui faisait l’amour en cadence
Et dont la figue distilla
Un alcool d’une violence
Mais je ne vous dit que cela.
Marie
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C’est la maclotte qui sautille *
Toute les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu’elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Les brebis s’en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d’argent
Des soldats passent et que n’ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l’automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
Blog commentaires